L’île aux Marins
Je la gardais pour la fin. Elle est celle par où tout à commencé, pour eux comme pour nous, et celle par qui cela se termina.
L’île aux Marins.
La toute petite, minuscule, île aux Marins.
Longue de 1700 m, large d’environ 500, plate, si ce n’en est le dernier cap Baudry. Elle occupe fièrement le panorama de la ville de Saint-Pierre. Elle n’en est située qu’à quelques encablures, quelques brasses, moins de dix petites minutes de navigation à bord du tout petit « Petit gravier ».
Sur ce lopin de terre pierreuse couverte de galets s’alignent, en une étrange mise en scène, quelques dizaines de maisons. De bonnes baraques en bois, vieilles, colorées comme on sait le faire ici, imposantes d’y avoir accueilli des familles entières. Devant chaque propriété, pas de gazon mais un champ de pierres. Un gravier.
Ici s’installèrent les premiers pêcheurs de morue, jusqu’à l’époque de son âge d'or. Les graviers faisaient sécher les poissons sur les gros galets violacés des andésites pourpres.
Difficile d'imaginer l’effervescence d’alors, vers 1892, quand fourmillaient sur le caillou pas loin de 700 personnes! 700 personnes sur si peu de place ! Flambées, tempêtes, odeurs des pêches, conditions de vie très rudes.
Des journées passées à bord des embarcations, entre chalutiers et doris, pour la pêche aux appâts. A terre, s’était le séchage, les champs, l’école, l’église.
Et puis Saint-Pierre s’est développée. L’économie déplacée. Le port. Les voyageurs. Le poisson surexploité s’est rarefié, les lois ont tranché, les pêcheurs sont revenus à terre.
Plus de raison de rester vivre sur l’île aux Marins, alors on s’est réuni en face. Le rocher, déserté jusqu’au dernier des habitants.
Ces jours d'octobre, nous l’avons arpenté lentement, à l’affut du moindre détail, du moindre souffle surgissant du passé de ce musée à ciel ouvert.
Une poignée d’habitants de Saint-Pierre fermaient les maisons secondaires avant l’hiver. Quelques-unes servent de lieu de vacances, les plages accueillent l’été les jeunes baigneurs.
Les autres vestiges, on les admire depuis l’extérieur, lisant les explications installées aux 4 coins de l’ilot.
Sur la plage, la carcasse d’une grande épave continue de se faire éroder par les flots.
Un musée à ciel ouvert, un de ces villages fantômes bien hanté, bien ancré, qui sait ne pas se faire oublier.
A l’extrémité de l’île trône encore l’étroit phare du feu de la pointe de Leconte.
Peinture rouge vif. Monument historique. Lui non plus ne s’allume plus, mais son allure sait capturer.
L’île magnétise. Nous y sommes revenues plusieurs fois questionner les herbes salées, le cimetière, les maisons, les rochers érodés.
Des histoires s'échangent.
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